Baignade dans les étoiles

   Valhénä, la dragonne émeraude, aussi belle que féroce, n’en pouvait plus de ces impétueux parasites qui avaient élu domicile sous ses écailles depuis des lunes et qui osaient scandaleusement sucer sans répit son noble sang.

   Un bon bain lui permettrait de se débarrasser de cette insatiable vermine, mais rares étaient les endroits où la rivière présentait une largeur et une profondeur suffisante pour accueillir son imposante carrure.

 

   Le mastodonte reptilien cherchait donc depuis le matin.

 

   Valhénä poussa un rugissement de joie – du moins ce qui s’en rapprochait le plus, ses rugissements étant toujours féroces quelle que soit son humeur – en avisant un endroit où les berges étaient plus espacées que d’ordinaire et où l’eau avait perdu sa clarté limpide pour adopter la noirceur significative de la profondeur du lit.

   Le lieu formait non pas un étang, mais une cuvette parfaite pour qu’elle s’y prélasse à son aise.

 

   La dragonne fit un piqué, tête la première, ragaillardie par cette belle découverte.

 

   Elle n’était plus qu’à quelques mètres du sol lorsqu’elle se redressa, battant puissamment des ailes pour amortir sa chute. Toutefois, elle les déploya trop tard pour ralentir sa descente et échapper au plongeon non maîtrisé qui s’ensuivit. L’eau cristalline se souleva avec force sous son poids, projetant des gerbes d’eau d’une hauteur faramineuse.

   Les vagues ainsi formées partirent à l’assaut des berges alors que de fines gouttelettes – étincelantes sous le soleil dominant – s’envolèrent haut vers le ciel pour retomber en une kyrielle scintillante, constellant les feuilles des arbres environnants.

   Ces perles opalescentes embrasèrent de leur lumière l’atmosphère autour de la dragonne qui – devant pareil spectacle – se trouva soudain emplie d’un profond sentiment d’humilité (chose rare chez n’importe quel dragon et encore plus étonnante chez notre belle Valhénä).

 

   Le cou lové contre la berge – son immense corps immergé reposant au fond du lit – Valhénä admirait paresseusement ces magnifiques lucioles éphémères suspendues aux hautes branches, avant de sombrer dans un profond sommeil empli de rêves étoilés et d’un beau dragon enflammé.

 

© Claytone Carpe 2019