Extraits

LES PREMIERS MOTS :

La vieille Ford d’un gris décoloré – que j’ai achetée dans une casse du coin en arrivant ici, il y a quelques semaines – émet un drôle de bruit en démarrant et un nuage de fumée s’évade du pot d’échappement. À la base, cette voiture était censée n’être que temporaire, sachant pertinemment qu’elle me coûterait trop cher en réparations. Mais, comme j’ai besoin d’un véhicule pour me rendre au domicile de certains de mes patients et que je n’ai pas l’argent nécessaire pour m’en procurer un plus fiable, je dois me contenter de cette pauvre épave.

J’ai tout perdu à Los Angeles. Mon logement, mon cabinet vétérinaire, ma voiture. Mon ex-mari – Mike Richardson – m’a tout pris, ou plutôt repris, décrétant que si je ne voulais pas rester avec lui malgré ses écarts, je pouvais bien aller me faire voir. Et je ne vous parle même pas du côté émotionnel. Mike m’a saignée à blanc jusqu’à ce qu’il ne subsiste de moi qu’une ruine irrécupérable, en plus mauvais état encore que ce foutu tacot qui crachote, toussote et hésite constamment entre caler ou continuer de rouler.

Nous menions la belle vie à L. A., lui et moi. J’avais mon propre cabinet vétérinaire. Mon mari, lui – enfin ex-mari – est coach de développement personnel. Entre autres…

Mike fait surtout son business dans l’immobilier. Il possède le bâtiment où j’avais ma clinique – vous voyez le topo ? Mais si ses placements financiers lui apportent le pécule, son second job – coach de vie – lui procure le sexe. C’est lorsque j’ai découvert qu’il se tapait les femmes qui l’embauchaient comme coach, que j’ai demandé le divorce.

C’est là que j’ai compris que tout lui appartenait. Absolument tout. Il m’a même repris une partie de mes fringues. Quant aux bijoux…

J’ai dû fermer ma clinique vétérinaire.

Je me suis retrouvée à la rue.

Oh, je peux toujours revenir sur ma décision. C’est ce que souhaite Mike, d’ailleurs, encore aujourd’hui. Que je ferme les yeux sur ses coucheries. Que je reste sa gentille petite femme serviable qui regarde ailleurs. Mais je ne peux pas. J’ai essayé, mais ça ne fonctionne pas.