QUATRIÈME DE COUVERTURE :
Un siècle après la Fin du Monde. Paris est devenue une ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Une ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Une ville-sortilège où des sirènes nagent dans la piscine Molitor et où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles. Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.
MON SENTIMENT :
« Il était, il n’était pas… » Un gars, son taf, ses ennuis, ses amours…
Ce livre – au rythme étrange, rapide, sans pause ni repos, sur fond post-apocalypse, d’usure et de mélancolie – nous mène dans une ville épuisée, décatie, mais qui malgré tout héberge les rares survivants du monde d’avant.
L’ambiance a quelque chose de désuet, de passée, comme si le futur nous ramenait en arrière, sur d’autres terrains que la technologie, le progrès, et tout ce qui au fond n’a fait que nous mener à notre perte.
Il m’a fallu quelques pages pour appréhender le style vif, cette atmosphère singulière où les descriptions s’enchaînent sans ralentir, nous obligeant à prendre le train ou à rester définitivement à quai, perdu, rejeté par le livre, par Chet qui vie sa vie sans se retourner (ou presque).
Même les moments calmes – dialogues, introspections – m’ont semblés filer à une allure pressée, nous embarquant dans un tourbillon constant de souvenirs, de regrets et de mélancolie.
Nous découvrons Chet, sa vie, son travail, ses réflexions.
Il évite de penser, n’aspire à rien de particulier, tout en étant plein d’espérance. Son esprit fantasme, rêve d’illusions, mais reste pragmatique. Il continue d’avancer en s’efforçant de ne pas se perdre dans les regrets, les soupirs. Il faut vivre. Il pense à Tess. Il cogite malgré lui.
Chet entretient une distance entre lui et ses sentiments, ses partenaires, ses amis. Pas d’implication, pas d’ennui. Il prend les moments comme ils passent, en profite, et repart.
Et malgré cette apparence d’indifférence, Chet est quelqu’un. Il est plein de pensées, de questionnements, d’hésitations. Il faut le suivre, l’appréhender, pour comprendre la profondeur de ses sentiments, de sa détresse, de ce qu’il s’efforce de cacher derrière ses masques, ses maquillages, ses personnages.
Un vrai moment. Un petit trésor. Ce livre nous livre une tranche de tout ; de vie, d’illusion, d’une réalité décapée, d’un futur brut, cru – démoli –, mais pas si fantaisiste que cela. Chet est paumé, Chet est émouvant, Chet est nous, vous, moi. Il reflète nos incertitudes, nos doutes et nos remords. Il met le doigt là où ça fait mal, là où il est possible de dire : « Oui, mais c’est encore possible, si tu acceptes d’enlever le masque ». Il nous faut ouvrir les yeux, décider, changer.
C’est judicieux, décalé, poignant.
Ce livre m’a touché par la justesse de ses réflexions, par son originalité décapante et même par ses touches de déjà-vu semées çà et là dans la trame ; portraits clichés, caricaturés, dressés pour souligner cette impression d’un retour à un passé censé être révolu, mais qui ressurgit dans ce futur post-apocalyptique.
Un bon livre. Même si sur la fin je lui ai trouvé quelques longueurs. Probablement dus au rythme changeant, plus lent, plus traînant. L’atmosphère s’épaissit, l’étrangeté poisse l’esprit, charge l’air d’une angoisse trépignante. L’avancée de Chet devient pesante. L’impatience nous gagne alors même que le temps ralentit, rend notre curiosité irritable, instable. L’envie de se ronger les ongles devient pressante, presque irrésistible. « Mais bon sang, Chet ! Grouille-toi ! »
Et la fin arrive, point, sans fioriture, sans réelle finalité, sans la petite touche féerique à laquelle on s’accroche, qu’on espère, tout en sachant d’avance qu’une autre conclusion n’aurait pas vraiment cadré ni au style ni à Chet.
Un poil déçue donc par cette fin un brin trop rien.
Claytone Carpe
Un extrait qui m’a particulièrement pris aux tripes :
« Le projecteur m’aveugle, la salle est plongée dans le noir plus qu’aucune que j’aie connue. Avec ma nouvelle maigreur, je flotte presque dans la chemise de Damien. Je le sais dans mon dos, mon fidèle pianiste, les doigts effleurant déjà son clavier. Ce soir nous interprétons un extrait de la Frost Scene, un air baroque tiré d’un semi-opéra de Purcell, une œuvre intrigante où ne peuvent chanter que des êtres surnaturels. Ce soir, j’incarne l’Esprit de l’Hiver. Réveillé malgré moi par les hommes, j’implore qu’on me rende au gel et à la mort... Lire la suite...
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